Influence sur l’ambiance de l’écosystème : température et humidité
l’humidité du milieu
Les lichens épiphytes jouent un rôle dans l’utilisation des précipitations en participant à leur répartition au sein des forêts notamment. Lorsqu’il pleut, ils peuvent intercepter une partie de l’eau à leur entrée en contact avec celle-ci et la laisser s’écouler le long des tiges et des branches ou alors permettre sa chute directe au sol. Ces lichens sont alors des partenaires de l’ambiance intérieure des écosystèmes, notamment forestiers en participant à la gestion de l’humidité du milieu (Van Stan et Pypker, 2015).
L’implication des lichens dans l’interception de l’eau et la perte d’eau qui en découle ont été quantifiées et comparées entre des forêts avec des densités en lichens épiphytes différentes. Cependant, les résultats obtenus, via cette démarche de collecte des données, auraient pu être biaisés par d’autres facteurs météorologiques. D’autres études ont utilisés des procédés différents en calculant de manière directe sur les lichens leur saturation en situation de submersion ou en cas de pluies (simulées en laboratoire) (Van Stan et Pypker, 2015 ; Pypker, Unsworth, et Bond, 2006).
Finalement, il est apparu que les lichens peuvent absorber des quantités d’eau dépendant de leur morphologie et de leur prospection sur le terrain (le recouvrement de la surface qu’il représente) (Van Stan et Pypker, 2015). Mais surtout, leur capacité d’absorption aura un impact positif sur la capacité de rétention des forêts. Par exemple, en cas de tempêtes, les branches recouvertes de lichens auront une capacité de rétention plus grande. Ces branches sécheront plus difficilement. Par ailleurs, le stade de saturation en eau de ces branches sera repoussé, leur permettant une absorption de pluies d’au moins 30 mm (Pypker, Unsworth, et Bond, 2006).
Dans certains endroits où les pluies sont faibles, les lichens fruticuleux absorbent l’humidité générée par le brouillard. Cette eau absorbée pourra ensuite être restituée au sol pour permettre son irrigation et, au final, améliorer le développement de la végétation notamment celle des arbres (Stanton, Armesto, et Hedin, 2014 ; Stanton et Horn, 2013).
En 2014, Stanton, Armesto et Hedin qualifient les lichens de « filtres – buveurs » par analogie avec les organismes des invertébrés. Leurs structures complexes, aux multiples ramifications, témoigneraient de cette grande capacité d’absorption. Ce travail de recherche a permis de constater une variation des familles morphologiques de lichens en fonction de l’altitude, ainsi que de l’intensité du brouillard, sur les côtes du Nord chilien. La présence de lichens fruticuleux et foliacés croît l’intensité du brouillard. Ce phénomène s’accompagne également d’un accroissement des ramifications (enrichissement de la structure en complexité) du lichen. La structure lichénique apparait donc adaptée à l’humidité du milieu pour en assurer sa conservation (Stanton, Armesto, et Hedin, 2014).
L’humidité n’est pas le seul paramètre impacté par la présence des lichens au sein des écosystèmes. La température l’est tout autant et est un facteur important qui influence l’ambiance du milieu naturel.
la température
L’albédo du sol se définit comme la partie interceptée des rayons lumineux qui va être renvoyée dans toutes les autres directions (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, 2012a). La couleur des lichens peut avoir un impact considérable sur celui-ci en permettant l’absorbance ou non de certains rayons lumineux (Stoy et al., 2012).
Dans les régions subarctiques, de l’Alaska et de la Suède, les lichens prédominent. Une étude, menée par 5 chercheurs, a permis de quantifier la valeur des températures souterraines et à la surface, en plus du spectre de réflectance de la lumière des espèces de mousses et de lichens. Par ailleurs, des observations ont été réalisées au moyen d’un logiciel de cartographie. Cette étude a permis d’identifier les impacts sur l’albédo à la surface et sur la température, de la disparition des lichens (Cladonia spp) liée à leur surconsommation par les rennes. Une comparaison entre les terres en Norvège, relativement moins perturbées par la présence de rennes, et celles plus perturbées de Finlande a été menée (voir Fig. 7). Les résultats sont révélateurs : l’albédo de la zone norvégienne était supérieur en moyenne de 1% durant les périodes sans manteau neigeux. De surcroît, les températures à la surface du sol, à la nuit tombée, étaient souvent plus élevées d’approximativement 0,7°C. Cette observation, même si elle peut être due à un albédo plus important, peut aussi s’expliquer par une répartition plus difficile de la chaleur au niveau du sol (conduction). De ce fait, la présence des lichens induit un réchauffement du sol (Stoy et al., 2012).
De même, le rafraichissement de l’atmosphère peut être corrélé positivement à la présence de lichens (Asplund et Wardle, 2017 ; Bernier et al., 2011). Dans un contexte où de nombreux feux de forêts s’enchaînaient dans la forêt boréale de l’Est de l’Amérique du Nord, le passage de forêts d’épinettes noires à des forêts « ouvertes de lichens » a fait l’objet d’une étude, notamment pour mesurer l’impact du changement d’albédo qui peut directement contrebalancer les émissions de CO2 (liées aux incendies) (Bernier et al., 2011).
La mesure utilisée, le forçage radiatif, correspond à la variation ou la différence entre l’énergie reçue et celle envoyée en W/m2. Cet indicateur permet de mesurer le réchauffement ou le refroidissement de la zone étudiée (Futura, 2020b ; Bernier et al., 2011).
Il est apparu que le passage en forêts « ouvertes de lichens » a un résultat de forçage radioactif net de -0,12 nW.m–2.ha-1. Ainsi, il semblerait que les lichens participent au refroidissement atmosphérique.
La relation lichen – êtres vivants
Les lichens : un habitat et une source de nourriture
La plupart du temps, les lichens constituent un habitat et une source de nourriture pour les êtres vivants dans le même écosystème qu’eux. Les relations qui unissent ces êtres vivants à différentes échelles de taille en partant des bactéries jusqu’aux mammifères vont être détaillées pour appréhender un nouveau rôle écologique des lichens.
Leurs relations avec les micro-organismes et les invertébrés
Les lichens fournissent des « micro-habitats » pour un grand nombres d’êtres vivants qu’ils soient des eucaryotes, cellules pourvues de noyaux compartimentés, ou des procaryotes, tels que des bactéries (organismes unicellulaires dépourvus de noyaux) (Asplund et Wardle, 2017 ; Simon, 2009). Le « micro-habitat » varie en fonction des propriétés de chaque espèce lichénique.
Les travaux d’Aschenbrenner, réalisés en 2016, avaient pour objectif d’appréhender les symbioses multi-espèces. Il a été démontré que les lichens ne seraient pas seulement au cœur d’une symbiose entre un mycobionte, composé d’un champignon, et un photobionte, composé d’une algue verte et / ou d’une cyanobactérie. De fait, les bactéries présentes à proximité des lichens peuvent aussi élire domicile sur ceux-ci et générer de nouvelles associations, remettant en question le fait que les lichens ne soient qu’au centre d’une symbiose stricte. L’engouement pour l’environnement bactérien, notamment du microbiote intestinal, s’applique maintenant à l’ensemble bactériologique formé avec les lichens (en plus de la symbiose initiale) (Aschenbrenner et al., 2016 ; Lohezic-Le Devehat, 2020).
La densité bactérienne des lichens est ainsi supérieure à celles des feuilles des plantes vascularisées (Cardinale et al., 2008). C’est en partie leur présence qui confère aux lichens leur propriété de « réseaux alimentaires », source de nourriture notamment pour les protozoaires et les nématodes (Asplund et Wardle, 2017).
Ces bactéries vont être également en nombre variable selon le développement et la composition des lichens. Par exemple, l’association symbiotique va jouer un rôle important car, selon le(s) photobionte(s) impliqué(s), les apports en nutriments ne seront pas les mêmes tout comme la population bactérienne présente au sein des microbiomes lichéniques (Asplund et Wardle, 2017).
En plus d’accueillir des bactéries en symbiose, les lichens sont les refuges d’une microfaune aquatique, comme les nématodes ou les protozoaires, et d’autres micro-organismes, tels que les tardigrades et les rotifères. Par le biais des lichens, les nématodes vont pouvoir s’alimenter à partir du mycobionte lichénique en lui-même, ou des bactéries impliquées dans la symbiose avec le lichen considéré ou même de micro-organismes si le nématode appartient à la catégorie des prédateurs (Asplund et Wardle, 2017).
De vastes groupes d’organismes vivants se nourrissent directement ou indirectement des lichens ou bien s’en servent comme d’un abri. On pourrait citer parmi eux : les escargots, les limaces, les mites et bien plus encore (voir Fig. 8). Une étude a été réalisée sur le comportement des escargots et leur relation avec les lichens. Pour ce faire, les fréquences d’utilisation des lichens comme refuges ou aliments ont été quantifiées. Une corrélation positive a pu être établie entre les dommages de pâturage des lichens et l’importance numéraire de la population d’escargots considérée (Baur et Baur, 1997 ; Asplund et Wardle, 2017).
Par ailleurs, en 2010, Asplund a inventorié 64 espèces de gastropodes terrestres, à l’origine de la consommation des lichens, constituées de nombreuses espèces d’escargots et de limaces (Asplund, 2010). Dans la nature, certains escargots ont même des caractères physiques en lien avec leur source de nourriture telle que les lichens. Ainsi, l’escargot est muni d’un radula, sorte de langue possédant de nombreuses petites dents, lui permettant de saisir et de gratter les lichens avant leur ingestion (Corbeil et Archambault, 2009).
Au rôle de source d’alimentation pour les invertébrés, vient s’ajouter celui de refuge. Les gastropodes sont abrités au sein des lichens de certains prédateurs et de l’assèchement de l’environnement, la dessication (Larousse, 2020 ; Asplund et Wardle, 2017).
Certains escargots du désert, les Napaeus Barquini, montrent le panel des relations existantes entre les invertébrés et les lichens. Premièrement, en période sèche, leur présence fréquente au niveau des lichens pourrait laisser penser qu’ils s’en servent comme d’un refuge lors de la dessication. Deuxièmement, cette fois-ci, durant les périodes de pluies, les escargots se nourrissent de ces lichens, qui sont la base de leur alimentation. Et, finalement, ils déposent les lichens sur leur coquille les utilisant comme camouflage (Allgaier, 2007).
Le rôle des lichens pourra cependant être affecté par leur composition en termes de métabolites secondaires et de nutriments au sein du thalle, tels que N et P. Une expérience récente en 2014 a prouvé la meilleure appétence des lichens provoquée par l’absence ou la diminution des composés lichéniques, jouant un rôle de défense contre les lichénophages (Černajová et Svoboda, 2014).
Une étude menée en 2015 a mis en évidence que les nutriments du thalle lichénique favorisent l’abondance de collemboles et de mites autant que leur diversité (Bokhorst et al., 2015). Toutefois, même si la teneur en N et P est très appétante pour les organismes tels que les mites, certaines d’entre elles sont présentes en grand nombre exclusivement dans les lichens crustacés, qui n’ont pas le thalle le plus développé (André, 1984).
Les lichens ont également un impact sur la complexité du milieu, et ainsi sur les populations d’araignées y cohabitant. Effectivement, il a été observé que plus il y avaient d’espèces de lichens, plus la population d’araignées était diversifiée en raison de l’hétérogénéité du milieu générée par ces lichens (Gunnarsson, Hake, et Hultengren, 2004).
Leurs relations avec les vertébrés
Les lichens ont également des relations avec les vertébrés de manière indirecte par la présence de leurs ressources alimentaires qui se réfugient dans les lichens (voir Fig. 8) (Asplund et Wardle, 2017).
Pour exemple, les passereaux sont en plus grand nombre dans les forêts. Cette observation est indirectement liée à la présence des lichens. En effet, les lichens sont consommés par les invertébrés et les invertébrés constituent le régime alimentaires des passereaux. L’abondance des lichens favorise l’abondance des invertébrés dans les forêts et, ainsi, celles des passereaux qui ont un plus grand nombre de proies dans cet écosystème (Pettersson et al., 1995).
De manière directe, les lichens sont notamment consommés par les mammifères tels que les cervidés comme les cerfs, les rennes, les élans mais plus encore tels que les ours polaires, les bouquetins, les marmottes et même les gazelles.
Si nous revenons à l’exemple des oiseaux, les lichens sont au cœur du quotidien de ces vertébrés en tant que matériau de nidification, de camouflage voire de décoration. Il en est de même pour les écureuils volants qui les utilisent pour leur nid ainsi que comme ressources alimentaires.
Pour les caribous qui habitent des zones où les conditions climatiques sont rudes et ne favorisent pas le développement de la végétation, les lichens sont une base alimentaire dont ils dépendent spécifiquement en hiver. En effet, ils représentent 62% de leur régime hivernal. Ceux consommés sont ceux qui seront faciles d’accès et donc facile à ingérer comme les fruticuleux (Boertje, 1984 ; Asplund et Wardle, 2017).
Pour finir, les singes à nez retroussé de Chine peuvent eux aussi utiliser le lichen comme nourriture « de repli » et élever leur consommation en lichen jusqu’à 97% si nécessaire. Ils ont une préférence pour certaines espèces de lichens fruités ou bien, en dernier recours, ceux petits et foliacés (Grueter et al., 2009 ; Grueter et al., 2012).
Les lichens : défense contre les lichénophages
Même si les interactions positives sont nombreuses entre les lichens et leurs écosystèmes, des interactions négatives initiées par les composés secondaires lichéniques existent.
Les invertébrés repoussés ?
Depuis le XIX ème siècle, suite à l’hypothèse de Zukal en 1895 sur les composés secondaires lichéniques repoussant les lichénophages, de nombreuses expériences ont été menées (Zukal, 1895). Certaines pouvaient se contredire. Par exemple, en 1895, Zopf constatait qu’il n’y avait pas de changements de comportements de la part des escargots entre des tranches de pommes de terre possédant des composés secondaires des lichens et celles n’en possédant pas (Asplund et Wardle, 2017).
Un siècle plus tard, des chercheurs ont utilisé de l’acétone pour enlever tous les composés secondaires lichéniques, sans pour autant endommager le lichen. Grâce à cette méthode, des avancées ont été réalisées sur la comparaison des lichens avec et sans métabolites secondaires et l’étude de leur rôle dans les interactions avec les invertébrés (Solhaug et Gauslaa, 1996 ; Asplund et Wardle, 2017).
Utilisée en 2005 par Gauslaa, 14 des 17 des espèces de lichens étudiées étaient préférées par les escargots lorsque les lichens avaient été trempés dans de l’acétone et étaient donc dépourvus de métabolites secondaires (Gauslaa, 2005). Ainsi, plusieurs autres études ont bénéficié de cette méthode unique pour prouver l’importance de ces composés dans la défense des lichens (Asplund et Wardle, 2017).
La même année, d’autres chercheurs ont trouvé une corrélation entre le taux de survie des larves de mites sur le thalle du lichen et la présence de composés secondaires. Les résultats étaient d’ailleurs très révélateurs avec aucune larve survivante sur un thalle de lichen non modifié et 75 % à 85 % sur un thalle qui avait été traité avec de l’acétone. Au vue de ces résultats, il convenait alors de dire que les métabolites secondaires du thalle lichénique dans leur proportion naturelle étaient de puissants agents anti-herbivores contribuant ainsi à la sélection de ses hôtes (Pöykkö, Hyvärinen, et Bačkor, 2005).
Toutefois, l’acétone n’a pas le même impact sur tous les lichens qui ont des composés variant en termes de quantité, de qualité et de localisation au sein du lichen. Certains sont situés dans les zones corticales ou cortex supérieur et inférieur pour la protection contre les radiations, tandis que d’autres, dans l’espace médullaire, auront un fort impact sur les lichénophages (voir Fig. 2). Effectivement, ils n’ont pas le même rôle. Ils ne sont donc pas localisés aux mêmes endroits, ni aussi répulsifs pour les invertébrés que ceux qui sont produits pour par les lichens comme l’acide vulpinique jaune (Gadea, 2020 ; Gauslaa, 2005 ; Asplund, Solhaug, et Gauslaa, 2010).
En 2010, une étude mis en évidence l’ODT des lichens soit la défense optimale théorique. Cette dernière permet aux lichens de survivre et de conserver les capacités de leur organisme intactes. La formation et la sécrétion de ses composés va donc être répartie au sein de l’organisme de manière réfléchie : par ordre d’importance et de risque d’atteinte de chaque partie des lichens. Ainsi, il a pu être observée une quantité 5 fois supérieure d’un composé secondaire au niveau de la partie reproductrice d’un lichen en comparaison avec ses parties superficielles. Lors des phases de test, cette zone reproductrice n’était pas mangée par les escargots. Après le retrait de ces composés (via l’acétone), les escargots ont mangé de manière préférentielle cette partie des lichens. Des conclusions inédites sur la consommation des lichens par les invertébrés en fonction de la régulation négative exercée par les composés secondaires lichéniques ont pu être mises en évidence (Asplund, Solhaug, et Gauslaa, 2010 ; McKey, 1974). Cette découverte va dans le sens de nombreusx autres travaux ultérieurs sur le comportement de consommation des lichens par les invertébrés ; comme les larves de mites ou les limaces qui s’attaquent seulement aux couches corticales et ne s’arrêtent que quand elles arrivent à la partie médullaires des lichens (Asplund et Wardle, 2017 ; Asplund et Gauslaa, 2010).
Par ailleurs, les lichens sont très diversifiés (voir I.2). Ils peuvent être à la fois très proches morphologiquement et différer par leur composition en composés secondaires même s’ils sont issus de la même variété, on les appelle des chémotypes. Prenons pour exemple le Lobaria pulmonaria, ce lichen contient une dose élevé en composés, notamment en acide stictique, et de faibles quantités d’acides constictique, norstictique et péristictique. Un autre de ces lichens Lobaria pulmonaria contient une faible dose de composés et exclusivement de l’acide norstictique. Leur culture sur le même arbre montre des conditions de vie différentes les concernant. Le chémotype avec le plus de composés n’a pas été consommé, tandis que l’autre chémotype, contenant seulement de l’acide norstictique, a été fortement utilisé comme aliment. Ce test fut confirmé plus tard par une expérience en laboratoire consistant à laisser aux escargots le choix de leur alimentation. La consommation des invertébrés est donc liée une fois de plus aux composés lichéniques (Asplund, 2011).
En outre, il reste un facteur non négligeable à considérer : la capacité de répulsion des composés secondaires face aux lichénophages. En effet, certains d’entre eux n’ont aucune action sur la protection de ces lichens. En effet, si un composé secondaire quel qu’il soit n’est pas fait pour repousser les invertébrés consommateurs, il aura beau être présent en grande quantité, le lichen sera quand même consommé. La différence qualitative des composés est donc importante et fera varier l’efficacité de la protection des lichens. En 2004, l’invasion accidentelle de 1440 échantillons de lichens par des coléoptères a prouvé que leur régime alimentaire était sélectif selon les espèces des lichens puisqu’ils se nourrissaient préférentiellement de certaines d’entre elles. Les raisons étaient multiples : le facteur nutritionnel mais aussi la présence ou l’absence des composés secondaires avec un rôle de protection (Nimis et Skert, 2006).
Et les mammifères ?
Les facteurs cités pour les invertébrés concernant les composés lichéniques (voir a) ) sont également en capacité d’influencer les mammifères.
Plusieurs exemples confirment cette hypothèse. Le campagnol roussâtre en est un parfait exemple puisque lui aussi à des préférences alimentaires pour des lichens avec des doses de composés réduites (Nybakken et al., 2010).
De plus, l’acide usnique est un composé lichénique qui est une des causes de mortalité chez les élans alors que les rennes ont un organisme possédant des bactéries capables de le dégrader. Une expérimentation basée sur un régime alimentaire strict, concentré en lichen (comportant de l’acide usnique) pendant 4 semaines, a montré que cet acide n’était pas présent dans le rumen, les fèces ou les urines des rennes. Effectivement, a contrario des élans, les rennes dégradent rapidement cet acide par les microbes de leur rumen (Sundset et al., 2010 ; Sundset et al., 2008). Une étude menée, en 1993, a été faite pour étudier l’impact de cet acide sur la digestibilité de la matière sèche. Après ces test sur 4 rennes différents, l’acide usnique semblerait même être un agent qui rendrait les lichens d’autant plus digestibles (Palo, 1993).
Conclusion
A travers ce mémoire, nous avons donc pu comprendre ce que sont les lichens ainsi que leur diversité. Leur rôle écologique en tant qu’acteur dans le processus de pédogénèse font de ces organismes des sculpteurs des montagnes ne serait-ce que d’un point de vue mécanique avec leur implantation sur les surfaces rocheuses. Cependant, les multiples actions mécaniques liés aux conditions climatiques et à leur infiltration dans la roche sont aussi accompagnées par des actions chimiques et biochimiques que nous avons pu appréhender dans des exemples d’études de composés lichéniques tels que l’acide oxalique ou usnique. Finalement, nous avons pu explorer le rôle écologique des lichens dans la vie des écosystèmes et, plus particulièrement des micro-organismes, des invertébrés et des vertébrés.

Résumé
Les lichens, résultant de la symbiose entre un champignon et une algue et/ou une bactérie, font l’objet d’études depuis des millénaires. Ces organismes, dont la composition intriguait les scientifiques, sont maintenant étudiés pour leurs impacts écologiques sur l’environnement dans lequel ils évoluent. A travers ce mémoire, leur grande diversité et leur fonctionnement particulier seront présentés. Leurs particularités ainsi établies, deux rôles écologiques fondamentaux du lichen seront abordés. Premièrement, les lichens sont qualifiés de sculpteurs des montagnes grâce à de nombreux processus mécaniques, tels que la pénétration des hyphes, et chimiques comme la sécrétion d’acide oxalique. Leur second rôle écologique est celui qu’ils jouent au cœur des écosystèmes. Effectivement, ils influencent l’humidité et la température du milieu dans lequel ils se développent et sont, dans le même temps, en étroites relations avec les microorganismes, mais aussi et les mammifères ou les invertébrés.